Compte-rendu de l’Epouvantable Vendredi

Publié le par Ferdinand

Le vendredi 3 juillet avait lieu, à l’Institut Lumières de Lyon, la 4ème édition des Epouvantables Vendredi. Le principe est simple : se réunir dans une vraie salle de cinéma, et assister à trois projections, coup sur coup, pour se faire peur, ou rire des effusions sanguines, de 20h à 2h.

 Oubliés les spots publicitaires intempestifs, les films s’enchaînent, suivis chaque fois d’un entracte bref et rafraîchissant, et précédés d’une introduction un peu spéciale : on découvre, avant chaque long-métrage, une compilation de morceaux choisis, prélevés dans six films d’épouvante cultes, sélectionnés pour l’occasion.

            Le cadre est posé. Agréable. Reste à découvrir les trois projections au programme. Dans l’ordre :

 

The ruins (Les ruines) de Carter Smith, 2008

Cabin Fever (Fièvre noire) d’Eli Roth, 2002

Rogue (Solitaire) de Greg MacLean, 2007

 

A la fin de la soirée, pourtant, on peut rester sceptique devant l’inégalité de la sélection proposée.

La première et seule vraie surprise vient au premier visionnage, lorsqu’on montre à l’écran une bande d’étudiants américains reclus et piégés sur le toit d’un temple maya récemment découvert. Ainsi nous nous attarderons davantage sur les mérites de The ruins plutôt que d’insister sur les lacunes et les déceptions des films d’Eli Roth et de Greg MacLean.

Toutefois, accordons-leur quelques paroles, pour justifier brièvement les raisons d’une telle décapitation d’entrée de jeu. 

Cabin Fever met à l’écran cinq jeunes gens, autant dire cinq caricatures, passant leurs vacances dans une cabane, au milieu d’un bois. Du mannequin potiche à l’homme  bourru amateur de bière et de belles voitures, en passant par l’égoïste maniaque ou l’amoureux transi et naïf, le casting et le surjeu permanent nous promet un entassement pêle-mêle de tous les clichés à la mode. Promesse tenue. Au gré d’une intrigue décousue (une étrange maladie se répand parmi les protagonistes, et les entraine vers une mort certaine et sanguinolente), les images se succèdent selon une logique qui échappe au spectateur. Mais ici, l’enchaînement chaotique des plans n’est pas porteur d’un sens éclairant, d’un mystère ou d’une tension déroutante ; il laisse perplexe. A force d’éclaboussures et de morceaux de chairs épars, le spectateur voit rouge. Un peu à l’image du berger allemand mangeur d’homme qu’on aperçoit à plusieurs reprises dans le film : la caméra passe en vue subjective canine, et l’image est teintée de rouge. Une tentative esthétique des plus audacieuses…

            Quant à Rogue, le troisième film de la soirée, il s’agit plutôt d’une épopée, où un groupe de touriste, en ballade sur les méandres des eaux australiennes, se retrouve coincé sur un îlot menacé par la montée des eaux. Evidemment, un crocodile hors-norme habite le quartier, et souhaite y croquer les indésirables. Inutile d’épiloguer sur la relation amoureuse qui se tisse entre un jeune et beau journaliste de voyage et la guide qui accompagne le groupe de vacanciers. Certaines scènes, à défaut d’être prise au sérieux, font sourire, comme lorsque notre héro retrouve sa bien-aimé dans le garde-manger du crocodile, ou lorsqu’il embroche la bête monstrueuse à l’aide d’une brindille.

 

Eli Roth, dans une plate impudeur, nous dévoile les « dessous » du canon esthétique contemporain

 

            A présent, passons à l’agréable surprise de la soirée, The ruins, de Carter Smith. Très vite, le film déroule devant lui les archétypes du genre : les personnages (tous de « belles personnes », bien entendu) sont installés dans la banalité du quotidien, vacances sur la plage, sexe, amitié, infidélités… Tous les ingrédients du film d’épouvante se mêlent, sans pourtant produire un bouillon infâme : The ruins évite les lourdeurs, ne s’enfonce pas dans l’insistance ou la parodie. Grâce à un certain génie du scénario, qui ne s’attarde pas lorsque cela n’est pas nécessaire, et à la justesse des acteurs, les ficelles coulissent sans frotter. A la fois crédible et surprenante, l’action amène nos héros sur le toit d’un temple maya, encerclé par des autochtones pour le moins hostiles.

            Voilà les personnages enfermés dans un huis clos en pleine nature, avec pour seul échappatoire un puits donnant sur l’intérieur du temple. Le scénario met en place tous les ressorts classiques du genre, mais réussit par son originalité à nous surprendre chaque fois dans la manière dont il les amène.

            Reste à découvrir la nature de la menace qui pèse sur ces jeunes gens. Là encore, la surprise est au rendez-vous : il n’est pas question de créature caverneuse et barbare, mais d’une présence latente, envahissante, présente à l’écran depuis longtemps déjà. La végétation ambiante, cette vigne qui recouvre le temple presque entièrement endosse le rôle du méchant, et sa proximité permanente ne la rend que plus dévorante. Omniprésente, rampante, elle envahit progressivement l’espace visuel, et sonore (!!). Elle s’insinue jusqu’au plus profond des corps eux-mêmes.

            N’imaginez pas pour autant une plante carnivore hurlant et gémissant, se hissant sur deux pattes avant d’engloutir ses victimes. On vous parle de vigne, et de vigne seulement. Pas d’affrontement direct, on se rapproche davantage du thriller psychologique. Car la plante est en retrait dans la narration, toujours latente, à l’image de cette fine moisissure verte qui recouvre petit à petit les vêtements et la peau des personnages. La violence est autant, si ce n’est plus, dans les situations que dans les images. Exit les gros plans sur des visages désincarnés, numériquement parfaits, à la sauce Eli Roth. Ici, les images sont entr’aperçues, à la dérobée. Il y a bien un moment où les images, brièvement dans le champ puis hors, deviennent insoutenable ; alors le spectateur prend la peine de rire, refuge nécessaire pour échapper à une tension qui dépasse le seuil du supportable. Mais là encore, on n’assiste aucunement à d’immondes décharges d’hémoglobine, la situation dérange davantage que les images.

            D’ailleurs, cette finesse dans la réalisation se traduit aussi par l’inaboutissement. De nombreuses pistes sont lancées, mais pas creusées. La moisissure sur les vêtements s’observe, mais ne se dit pas, ou presque pas. La cavité sombre et inquiétante ne donne lieu qu’à une brève incursion, et les ossements aperçus sous la vigne ne font l’objet d’aucun épilogue. The ruins évite ainsi de nombreux écueils.

            Les personnages, quant à eux, ne sont pas des caricatures, leur présence est singulière ; ils se définissent constamment à l’écran par leurs réactions, ce qui leur donne une teneur appréciable, loin des personnages surfaits et parodiques récurrents en la matière (voyez Cabin Fever).

            Toutefois, l’idée n’est pas ici de se départir des lieux communs. On assiste plutôt à une mécanique bien huilée qui déroule ses artifices tout droit sur les rails conçus pour le genre, mais avec un soupçon d’originalité qui fait bien souvent la différence, et des acteurs qui se refusent à l’excès. S’il manque encore ce petit quelque chose qui aurait pu hisser le film aux premiers rangs, c’est peut-être ce compromis entre un thriller psychologique et un film gore. Le gore, oui, mais avec finesse. C’est sans doute ce que nous propose Carter Smith, et il reste encourageant de savoir qu’il signait là son premier film d’épouvante, et qu’il parvient déjà à nous faire passer un bon moment.

Publié dans Cinéma

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F
Merci pour l'article et les commentaires chaleureux sur l'organisation de la soirée. En espérant vous voir pour Dario Argento. Fabrice
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